Banques en faillite : l’autorisation éventuelle de ponctionner les comptes est soumise à une loi très précise

« Pas de débat, pas de loi, une simple ordonnance. La directive est passée inaperçue dans le creux de l’été. Si votre banque fait faillite, elle pourra se renflouer en aspirant vos comptes, sans plus de façons.

[…] Elle est passée en douce par ordonnance. Imaginez le tapage si une loi était venue devant le Parlement! Depuis que les Français ont mal voté en rejetant la Constitution européenne par référendum, il n’y a plus de référendum. C’est la même chose pour les lois gênantes! En l’occurrence on imagine bien que le lobby bancaire tenait à la plus grande discrétion de même que le pouvoir socialiste. Pourquoi s’embêter quand une simple et discrète petite ordonnance prise en catimini au cœur des vacances d’été fait parfaitement l’affaire ?  »

L’information n’est pas totalement erronée mais tout n’est pas aussi simple.

Ce qui est vrai : les établissements bancaires auront la possibilité d’effectuer un transfert à partir des comptes bénéficiant d’un dépôt de plus de 100.000 euros sous conditions encadrées par la Loi.


En revanche, il est faux de prétendre qu’ils pourront « se renflouer en aspirant vos comptes, sans plus de façons. »

L’Union Européenne s’est en effet penchée sur le problème des établissements bancaires risquant la faillite, mais la réflexion a notamment porté sur le fait d’épargner autant que faire se peut les contribuables, ainsi que les plus petits déposants.

En effet, sur le site du parlement européen, nous pouvons lire un article concernant « l’accord conclu sur la directive renflouement interne des banques » dans lequel il est bien précisé :

« L’instrument de renflouement interne prévu par la directive contraindrait les actionnaires et les détenteurs d’obligations à encaisser les premiers coups. Les dépôts non garantis (plus de 100 000 euros) seraient touchés en dernier et dans de nombreux cas après l’intervention du fonds de résolution financé par la banque et du système national de garantie de dépôt du pays où se trouve la banque, dans le but de stabiliser la banque. Les plus petits déposants seraient dans tous les cas explicitement exclus du renflouement interne. »

Concernant les dépôts non garantis, il est bien fait mention d’une somme de plus de 100.000 euros, donc les petits épargnants ne sont absolument pas concernés.


On ne peut gérer l’insolvabilité d’un établissement financier comme celle d’une entreprise. C’est pour cela que l’union européenne préconise un régime spécial. Mais la directive européenne précise bien que ce régime  doit « limiter à un minimum les coûts supportés par les contribuables« . Les actionnaires seront les premiers à supporter les pertes et viendront ensuite les créanciers. Encore faut il que ce régime soit plus favorable aux créanciers qu’une procédure classique de liquidation.

En effet, l’ordonnance n° 2015-1024 du 20 août 2015 stipule :

« Art. L. 613-57.-I.-Le collège de résolution veille à ce qu’aucun détenteur de titres de capital mentionnés au chapitre II du titre Ier du livre II ou d’autres titres de propriété ou créancier d’une personne mentionnée au I de l’article L. 613-34, ainsi que le fonds de garantie des dépôts et de résolution au titre de l’article L. 613-55-5, n’encoure ou ne subisse, du fait d’une mesure de transfert d’une partie des biens, droits et obligations ou de renflouement interne prise en application des sous-sections 10 et 11 de la présente section, de pertes plus importantes que celles qu’il aurait subies si la personne avait été liquidée selon la procédure de liquidation judiciaire en application des dispositions du livre VI du code de commerce.
« II.-Après la mise en œuvre d’une mesure prise en application des sous-sections 10 et 11 de la présente section, le collège de résolution fait procéder sans délai à une expertise indépendante ayant pour objet :
« 1° De déterminer le traitement dont auraient bénéficié les détenteurs de titres de capital mentionnés au chapitre II du titre Ier du livre II ou d’autres titres de propriété ou les créanciers des personnes mentionnées au I de l’article L. 613-34 ainsi que le fonds de garantie des dépôts et de résolution si ces personnes avaient fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire ;
« 2° D’évaluer le niveau des pertes qu’ils ont effectivement subies du fait des mesures en question.
« L’évaluation effectuée en application du 1° ci-dessus ne tient compte d’aucun soutien financier public, y compris du fonds de garantie des dépôts et de résolution ou de tout dispositif équivalent.
« III.-Lorsque l’expert a établi que les détenteurs de titres de capital mentionnés au chapitre II du titre Ier du livre II ou d’autres titres de propriété, les créanciers ou le fonds de garantie des dépôts et de résolution au titre du mécanisme de garantie des dépôts ont subi des pertes supérieures à celles qu’ils auraient supportées si les personnes mentionnées au I de l’article L. 613-34 avaient fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, le collège de résolution saisit le fonds de garantie des dépôts et de résolution en vue de leur indemnisation en application du III de l’article L. 312-5.


Non seulement les banques ne pourront pas « piocher en douce » dans vos comptes afin de se renflouer, mais une expertise sera réalisée afin de déterminer si le montant des pertes en cas de renflouement est supérieur à celui occasionné par une procédure de liquidation. Si cela s’avère être le cas, l’établissement financier sera liquidé. Il ne s’agit donc pas de sauver les meubles à tout prix.

z-1


Sources :  Parlement européen – EUR-Lex – Légifrance