Le réfugié syrien victime d’un croche-pied de la part d’une journaliste Hongroise n’est pas un combattant d’Al-Nusra (d’Al-Qaeda).

5-HOAX-NET ENTETE

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Le «réfugié» syrien rendu célèbre par le croche-pied d’une journaliste hongroise serait un combattant du Front Al-Nosra (Al-Qaïda)

C’est ce qu’affirment plusieurs sources kurdes en Syrie et en Irak. D’après la presse internationale et française, Osama Abdul Mohsen taclé avec son fils dans les bras par une journaliste hongroise alors qu’il avait rompu un cordon de police avec un groupe d’immigrants clandestins, est un simple réfugié brutalisé qui a eu la chance, grâce à cette scène, de devenir célèbre et d’être invité par l’Espagne à venir s’installer sur son territoire pour entraîner l’équipe de foot de Getafe, dans la banlieue de Madrid.

1-STATUT FAUX

Libération :
Le réfugié syrien victime d’un croche-pied en Hongrie visé par des rumeurs.

Médiatisé après sa mésaventure, l’homme a depuis été accusé d’être à la fois un jihadiste et un tueur de Kurdes.

2016-terrorise-syrien-3Les médias ont appelé ça le «croche-pied providentiel». En fauchant Osama Abdul Mohsen, réfugié syrien, à la forntière hongroise, la journaliste hongroise Petra László lui a offert de faire la une des journaux deux fois. La première quand les images de sa chute, avec son plus jeune enfant dans les bras, ont circulé. La seconde quand il est arrivé en Espagne. Ancien entraîneur de foot en Syrie, Osama Abdul Mohsen s’est en effet vu offrir, après la diffusion planétaire de sa mésaventure, l’asile en Espagne, un accueil par les stars du Real ainsi qu’un poste au centre espagnol de formation des entraîneurs (Cenafe), à Getafe, dans la banlieue de Madrid.

Mais la médiatisation n’a pas que du bon. Et elle a aussi conduit ce Syrien, originaire de la ville Deir el-Zor, dans l’est de la Syrie tombée aux mains de l’Etat islamique, à se retrouver la cible d’un tir nourri d’intox. Médiatisé en Europe comme un symbole des victimes de la guerre, il a également été suspecté d’être un islamiste tout en étant accusé d’avoir contribué à la mort de 50 Kurdes il y a dix ans.

Tout débute le 13 septembre, quand un certain Leith Abou Fadel publie sur Facebook un montage (supprimé depuis) de plusieurs photos d’Osama Abdul Mohsen et l’accuse d’être un ancien combattant d’Al-Nusra, branche d’Al-Qaeda en Syrie. «On dirait que l’Europe va recevoir plus d’ordures islamistes», commente-t-il. Parcourir l’ensemble de ses posts Facebook révèle que Leith Abou Fadel est un fervent partisan du régime syrien. Cette publication est ensuite reprise par plusieurs groupes pro-Assad, dont le média gouvernemental Syria Now.

La rumeur prend de l’ampleur à partir du vendredi 18 septembre, lorsque Osama Abdul Mohsen arrive à Madrid avec deux de ses fils. La fachosphère espagnole reprend l’information, s’inquiétant de voir un jihadiste se faire passer pour un entraîneur. Le site d’extrême droite Nouvelles de France, notamment, relaie lui aussi la nouvelle : «Osama Abdul Mohsen, de combattant islamiste à réfugié brutalisé puis entraîneur de foot en Espagne.»

Au-delà de l’apparent paradoxe, les preuves de l’accusation apparaissent bien fragiles, que ce soient les supposées photos du profil Facebook d’Osama Abdul Mohsen ou les affirmations kurdes. Ainsi, le communiqué du PYD accusant l’entraîneur d’avoir contribué à la mort de 50 personnes relèverait simplement «de la propagande contre les réfugiés», explique Eva Savelsberg de Kurdwatch, l’organisme de veille du Centre européen d’études kurdes. La même source précise qu’Osama Abdul Mohsen n’était pas présent à Qamishli le jour du match puisqu’il n’entraînait à l’époque que l’équipe junior de sa ville. «Ni les joueurs ni le coach n’étaient impliqués dans les échauffourées», complète l’organisme kurde dans un communiqué.

Une information que confirme le fils aîné d’Abdul Mohsen sur Facebook. Depuis la Turquie, celui-ci a publié une copie d’écran d’un échange WhatsApp (messagerie instantané) avec son père, dans lequel il l’interroge sur ces accusations. «Je ne les accompagnais même pas», lui explique son père à propos de ce fameux jour de mars 2004.

Quant aux photos publiées par les partisans de Bachar al-Assad, censées accréditer son appartenance à Al-Nusra, certaines d’entre elles proviennent bien du véritable profil d’Osama Abdul Mohsen.

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On y voit notamment une photo de lui portant un keffieh et un drapeau de l’Armée syrienne libre (le principal groupe rebelle). Autant d’éléments qui se trouvent bien sur la page d’Osama Abdul Mohsen, mais qui montrent seulement son opposition au régime syrien, sans lien apparent avec une idéologie jihadiste.

La preuve principale indiquant son lien avec Al-Nusra serait une photo du supposé drapeau de l’organisation islamiste, qu’il affirme n’avoir jamais publiée sur son profil. «C’est un montage», assure Miguel Angel Galán, le directeur du Cenafe. Interrogé par Libération, Osama Abdul Mohsen confirme que c’est un faux. Ajoutons que certains spécialistes précisent qu’il ne s’agit pas du drapeau d’Al-Nusra mais de la chahada, la profession de foi musulmane, avec le nom d’Osama Abdul Mohsen écrit en arabe en dessous. Ce qui, tout au plus, aurait prouvé qu’il est religieux, pas jihadiste… «Cela signifierait qu’il est simplement opposé religieusement à Bachar al-Assad [qui est alaouite, dont la religion syncrétique emprunte à l’islam chiite, mais qui n’est pas considérée comme musulmane par les sunnites conservateurs, ndlr]», précise Michael Stephens, chercheur à l’institut britannique Rusi.

Interrogé par Libération, Osama Abdul Mohsen nie en bloc, affirme ne pas avoir de lien avec Al-Nusra et se dit victime d’un complot : «Ce sont des amis de Bachar al-Assad qui ont fait courir ce bruit.» Il explique être un opposant au régime (ce que la photo d’un drapeau de l’Armée syrienne libre suggère) brutalisé pendant la révolution. «J’ai critiqué Bachar al-Assad et quiconque le critique doit faire face à des mensonges qui le conduiront en prison ou même à la mort», a-t-il affirmé dans une interview au journal espagnol Gaceta. Une version jugée crédible par les experts. «Le régime d’Assad est très bon en propagande, les campagnes de désinformation sont monnaie courante», estime ainsi Michael Stephens.

Miguel Angel Galán, directeur du Cenafe, a expliqué à Libération avoir eu confirmation auprès des services de renseignement espagnols «que tout cela est un mensonge».

Article intégral de Pauline Moullot : Libération

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Sources : Libération


Autre(s) source(s) : THE NEW-YORK TIMES