Non, le Maroc et le Quatar n’ont pas pris de nouvelles mesures concernant la tenue vestimentaire

1-STATUT FAUX

DÉSINTOX de Libération.fr :

Le Maroc prohibe le burkini, le Qatar interdit les débardeurs : un week-end d’intox sur la toile

Par Cédric Mathiot — 29 août 2016 à 09:32

Plusieurs allégations erronées ont circulé ces deux derniers jours sur Internet autour de l’inépuisable sujet du burkini. Florilège.

Le Maroc prohibe le burkini, le Qatar interdit les débardeurs : un week-end d’intox sur la toile

Il eut été étonnant que l’affaire nationale du burkini ne s’effiloche en intox diverses. Ce sont d’abord des dizaines d’internautes qui ont réagi sur les réseaux sociaux à la décision du Conseil d’Etat d’invalider l’arrêté anti-burkini de la mairie de Villeneuve-Loubet, en ironisant sur la situation au Maroc. A les croire, la France serait donc infichue d’interdire le burkini… Que le Maroc, pays musulmans prohibe. Un twitto écrit ainsi à l’adresse de Najat Vallaud Belkacem :

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La photo jointe, un panneau en arabe et français spécifiant l’interdiction du burkini dans les piscines, a abondamment tourné.

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Le principal relais de ce paradoxe étant Lionnel Lucas, très droitier député LR des Alpes-Maritimes :

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 «Cherchez l’erreur»!, dit Lucas. Facile. Elle est dans son tweet. Car aucune loi au Maroc, ni décision au niveau municipal, n’interdit le burkini sur la plage. Quelques hôtels, piscines privées le prohibent pour des raisons d’hygiène, comme il est d’ailleurs indiqué sur la photo qui circule.

Un autre textilegate au Qatar

Il suffit de lire l’interview que le ministre du Tourisme marocain a donné il y a quelques jours au site de Jeune Afrique. Il y précise : «L’État marocain n’intervient pas là-dedans. Sur les plages, les gens portent ce qu’ils veulent à condition de respecter les règles de pudeur. Mais pour des raisons d’hygiène qui leur sont propres, certains établissements et maisons d’estivage ne tolèrent pas le burkini. Au Maroc, cet habit n’est pas un sujet portant à polémique car aucune interdiction n’a émané des autorités publiques. Nous respectons les valeurs de l’islam modéré. Bikini et burkini co-existent sur nos plages.»

Mais à peine certains internautes rectifiaient que la toile enchaînait presto avec un autre textilegate, cette fois-ci au Qatar…

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Voilà donc le Qatar qui embraye après le Burkinigate et prohibe jusqu’au débardeurs… Sauf que là encore, avec l’empressement (le mot est faible) qui est parfois celui des réseaux sociaux, il y a un double emballement, qui fait de l’info une intox.

Primo, l’article auquel le lien renvoie a été publié sur le site aufeminin.com… le 28 mai 2014. Il faut donc croire que personne ne l’a lu. On y apprend que le Qatar a lancé une campagne intitulée « Reflect your Respect », en se basant sur l’article 57 de la constitution du pays qui stipule que tous les résidents du Qatar doivent « respecter l’ordre public et les bonnes mœurs, en observant les traditions nationales et les coutumes établies ».

Deuxio, l’article lui même est fort approximatif. Car la lecture de la presse locale indique que contrairement à ce qu’Aufeminin.com suggère, il ne s’agit nullement d’une interdiction des autorités, mais d’une campagne d’incitation lancée à l’adresse des expatrié(e)s par un collectif de femmes qataries. En fait, l’initiative remonte même à 2012, date à laquelle elle avait été lancée une première fois sous le slogan «one of us», et visait déjà à inciter les étrangers à adopter des tenues «respectant les valeurs du Qatar». Rien à voir donc avec une campagne – et encore moins une interdiction – publique.

Un article de Doha News datant de mai 2014 explique même que le collectif à l’initiative de la campagne avait cru pouvoir, en 2012, compter sur le soutien de l’office du tourisme qatari, lequel n’avait finalement apporté aucune aide. Et la porte-parole du groupe, Umm Abdullah, d’expliquer que la campagne se poursuit désormais sans le soutien de l’office du tourisme. En 2015, la campagne s’est relancée pour sa quatrième année avec un nouveau slogan, «You matter in Qatar», censé mieux passer auprès des expatriés. Et toujours, à en croire Doha News, sans aucun soutien public.

Verdict : trop de soleil et trop de burkini, c’est un mauvais cocktail.

Cédric Mathiot


La non-interdiction par l’Etat du port du burkini au Maroc est confirmée par Monsieur Lahcen HADDAD, Ministre du Tourisme Marocain :

Quelques maisons d’estivage ont bel et bien interdit cet habit intégral dans le royaume mais leurs décisions n’engagent nullement les choix d’un État musulman qui défend les libertés individuelles et qui, au passage, tient à ce que son image touristique, qui a subi les dommages collatéraux des attentats, ne soit pas victime d’un énième amalgame.
Contrairement à la France, l’interdiction du burkini au Maroc n’émane que de quelques établissements privés. Nous sommes dans un pays musulman qui respecte aussi les libertés individuelles et l’initiative privée.“

Concernant le Quatar, l’interdiction du débardeur n’émane pas des autorités :

Une campagne populaire pour encourager les hommes et les femmes à se vêtir plus modestement dans les lieux publics au Qatar sera relancée le mois prochain sous un nouveau nom, ont indiqués « Doha Nouvelles », les organisateurs de la campagne.  Auparavant appelée « One of Us » quand elle a commencé en 2012, la campagne a été rebaptisée « Reflect your respect» (« reflétez votre respect) et redémarrera en Juin avec un week-end de tracts dans les parcs publics et les centres commerciaux.
La loi au Qatar
Les organisateurs de la campagne ont fait valoir que cet appel au port de vêtements modestes est inscrit dans la loi qatarienne. Ils font référence à l’article 57 de la Constitution du Qatar, qui dispose que «respecter l’ordre public et la morale, en observant les traditions nationales et les coutumes établies, est un devoir de tous ceux qui résident dans l’État du Qatar ou entre sur son territoire. »Cependant, il semble n’y avoir aucun élément spécifique du code pénal qui cible le code vestimentaire, bien que de nombreux centres commerciaux et parcs aient leurs propres règles concernant les vêtements, qui sont appliquées par les agents de sécurité privés. Pour une brève période en Octobre 2012, par exemple, Aspire Park a présenté officieusement des règles de code vestimentaire qui exigeaient des vêtements de sport ou une robe nationale qatarie, interdisant effectivement l’accès à la plupart des familles d’expatriés au parc. Toutefois, ces règlements ont été abandonnés quelques semaines plus tard, et les autorités Aspire Parc ont nié qu’ils n’aient jamais existé ».

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Sources : Libération.fr –   jeuneafrique.com –    dohanews.co – Constitution Qatar


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