Non, le rapport du GIEC n’est pas « bourré d’erreurs »

 


Le Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’évolution du Climat (GIEC) a publié le lundi 8 octobre un rapport sur les conséquences d’un réchauffement climatique global de 1,5°. Les conclusions alarmantes n’ont pas plu aux climato-sceptiques qui se sont empressés de faire marcher l’usine à fakes news pour en contester la crédibilité. C’est ainsi que plusieurs sites ont publié des articles pour expliquer que le rapport est « bourré d’erreurs ». Cette affirmation repose néanmoins sur des arguments bien fragiles…

  • Les faits

Le 8 octobre 2018 le GIEC rendait un rapport aux conclusions alarmantes. Un réchauffement de 1,5° impliquerait selon le rapport, des vagues de chaleur, l’extinction d’espèces animales et végétales, la déstabilisation des calottes polaires, une montée des océans sur le long terme…

On aurait pu croire que les climato-sceptiques vivent des temps difficiles depuis que le plus célèbre d’entre eux, Donald Trump, a reconnu qu’« il se passait quelque chose » à propos du réchauffement climatique. Ce serait néanmoins sous-estimer la résistance de la mauvaise herbe. Si de nombreuses espèces disparaissent, les publications climato septiques fleurissent.  En effet, il n’a pas fallut attendre la publication du rapport pour que ses conclusions soient remises en cause. Il serait, d’après de nombreuses publications, « bourré d’erreurs » et certains vont même jusqu’à affirmer que les scientifiques ont truqué les résultats.

Cette affirmation a été sortie par le site d’extrême droite américain Breitbart News, épinglé à de nombreuses reprises pour propagation d’infaux, la veille de la publication du rapport du GIEC. Il a été traduit et publié sur de nombreux sites francophones dont zejournal, un média tout aussi sérieux que son confrère américain.

L’affirmation selon laquelle le rapport est bourré d’erreurs se fonde sur un « audit sans aucun fondement scientifique sérieux » selon 20 minutes qui démolit cette affirmation dans un article paru le 10 octobre.

Ce fameux audit est réalisé par John McLean dont la thèse en doctorat traitait déjà du manque de fiabilité de l’outil « HadCRUT4 ». Cet outil au nom barbare est utilisé par le GIEC pour récolter des données. Il ne serait pas fiable d’après l’argumentaire climato sceptique. Ses travaux prétendent mettre en évidence « 70 découvertes sur des sujets d’inquiétude propre au HadCRUT4 qui impliquent l’utilisation de données manifestement fausses… ». De fait ces « failles » remettraient en cause la crédibilité des travaux du GIEC.

Il appuie son argumentation sur le fait que certaines données sont fausses. Il cite le fait que la température mesurée dans un archipel des caraïbes ait été de 0° pendant 2 mois, ce qui est effectivement invraisemblable, ou encore que des moyennes soient calculées à l’aide de données pratiquement inexistantes : pendant deux ans les températures au nord des terres de l’hémisphère sud ont été estimées à partir d’un seul site en Indonésie. Il va jusqu’à traquer les fautes de frappes (Venezuela orthographié Vénézuala) pour tenter de démontrer le manque de sérieux de l’étude.

Pour des non avertis, ces arguments peuvent sembler pertinents, d’autant plus qu’ils proviennent d’un doctorant. Bien que ses travaux soient contestés par ses pairs, il est diplômé et peut donc paraître sérieux. C’est pourquoi il faut consulter l’avis de professionnels reconnus pour vérifier ces affirmations. C’est ce qu’à fait 20 minutes dans l’article cité précédemment.

  • Pourquoi c’est faux?

Boris Leroy, écologue au Muséum d’histoire naturelle et Valérie Masson-Delmotte, climatologue qui a contribué au quatrième rapport du Giec, démontent l’argumentation des climato-sceptiques. L’argumentaire joue, d’après eux, sur des exemples locaux d’aberrations qui ne remettent pas en cause la validité des résultats. Dans ce genre de travaux, le nombre de données traitées est énorme, l’ensemble s’étend sur des décennies de mesures, les quelques inévitables erreurs n’affectent donc pas la tendance globale.

Les erreurs existantes sont reconnues par les instituts qui produisent ces données. Elles sont même disponibles en libre accès au  public. John McLean les a utilisées pour construire son argumentation. Il n’y a donc là rien de très « secret » ou méritant l’appellation de « découvertes ».

De plus, les scientifiques ont utilisé 4 jeux de données pour réaliser leur travaux et pas seulement l’outil incriminé par John McLean. Ils ont bien utilisé l’outil britanique HadCRUT4, mais également 3 autres jeux de données américains : GISTEMP (NASA), Cowtan–Way et NOAA (Agence américaine océan atmosphère). Quand bien même un des jeux de données est contesté, il n’est pas le seul à avoir été utilisé. Les « failles » prétendues d’un jeu de données, si tant est qu’elles puissent être qualifiées ainsi, ne peuvent remettre en cause des résultats globaux mobilisant 3 autres jeux de données reconnus comme fiables.

L’argumentation utilisée pour affirmer que le rapport est « bourré d’erreurs » ou que les résultats aient été truqués par les scientifiques ne tient pas la route.

  • Parce qu’un peu de rab ça fait pas de mal…

Non content d’avoir mis une seule fake news dans leur article, les auteurs se sont attachés à nous en offrir une deuxième.

John McLean aurait fait une autre « découverte »: le rapport n’est pas le reflet d’un travail consensuel entre 2500 scientifiques comme annoncé, car le nombre de scientifiques impliqués dans le chapitre 9, le plus important, « n’est que de 53 ». Le mot « découverte » sous entend par définition qu’il n’était pas évident d’accéder à l’information. Cependant, pour réaliser cette prouesse notre scientifique en herbe a compté le nombre de contributeurs au chapitre 9 qui… étaient cités en ouverture du fameux chapitre. Autant dire qu’il a « découvert » le nez au milieu du visage.

Or, comme l’expliquait une historienne et sociologue à 20 minutes : « Le Giec ne compte qu’une dizaine de membres permanents. Mais pour chaque rapport, ce bureau collabore avec une centaine de chercheurs internationaux dont les écrits sont relus par d’autres scientifiques encore. Et là on compte en milliers. »

  • En conclusion

Il y a un bien réchauffement climatique, les travaux du GIEC ne souffrent d’aucune contestation basée sur des arguments scientifiques valables et leurs rapports ne sont pas truffés d’erreurs.

Au rythme actuel, la planète terre va connaître de réels chamboulements climatiques. Malgré cette évidence, les thèses climato-sceptiques pullulent sur le web. Avec une pointe d’ironie, on peut même dire qu’elles ont de beaux jours devant elles…

z-1


Sources 20 minutes , 20 minutes , Les échos , Les inrocks,