Pour les explications, nous vous retranscrivons intégralement un article du site lessurligneurs.eu, utilisé également par francetvinfo.fr :
Des milliers de publication avec des visuels bien souvent différent sont diffusées et partagées sur Facebook, mettent en alerte les Français sur une loi qui auraient été votée en procédure accélérée.
CHAQUE FRANÇAIS POURRAIT ÊTRE RÉQUISITIONNÉ dès 2024
Avec ce projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030
Pendant que la rue est en feu, les textes passent sans encombre au Parlement. Les parlementaires et le pouvoir exécutif ont le champ libre.
Les éléments essentiels de l’Article 23
Art. L. 2212‑1
En cas de menace, actuelle ou prévisible (…) la réquisition de toute personne, physique ou morale, et de tous les biens et les services nécessaires pour y parer peut être décidée par décret en Conseil des ministres.
Art. L. 2212‑2
Lorsqu’il n’est pas fait application de l’article L. 2212‑1, en cas d’urgence, si la sauvegarde des intérêts de la défense nationale le justifie, le Premier ministre peut ordonner, par décret, la réquisition de toute personne, physique ou morale, de tout bien ou de tout service.
Art. L. 2212‑5
Les personnes physiques sont réquisitionnées en fonction de leurs aptitudes physiques & psychiques et de leurs compétences professionnelles ou techniques.
Art. L. 2212‑6
Dans le respect du présent titre, peut être soumis à une mesure de réquisition :
1° Toute personne physique présente sur le territoire national
2° Toute personne physique de nationalité française ne résidant pas sur le territoire national
Art. L. 2212‑9
Est puni d’un emprisonnement de 5 ans et d’une amende de 500.000€ le fait de ne pas déférer aux mesures légalement ordonnées en application des articles L. 2212‑1 et L. 2212‑2.
Source : Projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030
Auteur de l’article explicatif : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Un site d’extrême droite alerte avec le texte ci-dessus sur une ”nouvelle Loi de programmation militaire permettant à l’État de réquisitionner tout ce qu’il veut”.
Il s’agit d’une belle désinformation juridique :
En effet :
affirmer que l’autorité peut, en vertu du Code de la défense, régir les affaires civiles qui relèvent du code général des collectivités territoriales (ordre public) et du Code de la sécurité intérieure (terrorisme) est FAUX.
À chaque code son but et toute utilisation hors de ce but est illégale.
Lundi 3 juillet 2023, le site medias-presse.info, un site classé à l’extrême droite et comme diffusant des théories du complot par Conspiracy Watch, a publié un article titrant qu’une “nouvelle Loi de programmation militaire permettant à l’État de réquisitionner tout ce qu’il veut” allait être adoptée.
Le même jour et quelques heures après, c’est la plateforme Telegram qui s’y met comme on peut le voir ci-dessous :
A propos de Telegram, selon bfmtv.com :
Le fondateur russe de l’application de messagerie Telegram est Pavel Dourov. Il a la nationalité française depuis peu et a francisé son nom.
Né en Russie, il a fait ses études à Saint-Pétersbourg et à 22 ans, il a créé V Kontakte, une copie russe de Facebook. Énorme succès mais début des ennuis. Les autorités russes lui demandent de bloquer les comptes d’opposants comme Alexeï Navalny ou bien de communiquer les coordonnés d’activistes ukrainiens. Il refuse.
En avril 2014, il quitte la Russie soudainement, il rend son passeport, revend ses parts dans V Kontakte et entame une nouvelle vie de milliardaire, entre l’Europe, Dubaï et les Etats-Unis.
Puis il crée Telegram, la messagerie basée sur une totale confidentialité, qui permet d’échanger des messages indéchiffrables et qui s’autodétruisent. C’est de nouveau un énorme succès, mais aussi une l’objet d’une polémique.
Telegram est utilisé par les trafiquants de drogues et les terroristes. Daesh s’en est servi pour revendiquer des attentats.
le projet de loi de programmation militaire, en débat à l’Assemblée nationale, réécrit toute la partie du Code de la défense relative aux réquisitions, que peut ordonner l’autorité en cas de “menace, actuelle ou prévisible, pesant sur les activités essentielles à la vie de la Nation, la protection de la population, l’intégrité du territoire, la permanence des institutions de la République ou de nature à justifier la mise en œuvre des engagements internationaux de l’État en matière de défense” (article 23 en projet, texte qui deviendrait l’article L. 2212-1 du Code de la défense s’il était voté). Une telle “menace”, si elle était constatée, justifierait ainsi, par décret en Conseil des ministres, d’ordonner la “la réquisition de toute personne, physique ou morale, et de tous biens et services nécessaires pour y parer” (même article 23).
En établissant un lien aussi rapide que faux avec les réquisitions récentes de grévistes ordonnées sur la base du Code général des collectivités territoriales par les préfets, un commentateur non avisé (un économiste de formation avec 59 000 abonnés) ajoute sur Twitter :
“La dérive autoritaire de Macron s’accélère : un texte de loi permettra au gouvernement «la réquisition de toute personne, physique ou morale, et de tous les biens», sous peine d’un an d’emprisonnement, en cas de «menace», même pas de guerre!”.
Il fallait citer entièrement ce tweet pour mesurer le degré de méconnaissance des notions basiques du droit, ou simplement une volonté de désinformer.
Ces affirmations sont fausses.
Il est vrai que le nouvel article en projet mentionne une “menace” justifiant les réquisitions et pas une “guerre” ou une “agression armée”.
D’où la frayeur feinte du commentateur : “menace”, c’est large et flou !
Une grève est-elle une menace ? Les casseroles sont-elles des menaces ? Or, isoler un mot dans un code et faire abstraction de tout le reste de ce code relève de la tromperie juridique : un code est un tout, et chaque mot ou phrase de ce code s’interprète à la lumière du reste.
La ”menace” en question est forcément de type militaire, à cela près que les guerres ne sont plus seulement militaires : elles passent par le cyberespace (paralysie des réseaux), l’espace (destruction de satellites), les mers (destructions de câbles sous-marins et gazoducs), etc. C’est pourquoi le code de la défense n’est plus centré sur les attaques militaires depuis bien longtemps, et envisage tous types de “menaces” toutes aussi dangereuses pour la sécurité de la Nation.
Le Code de la défense est déjà – heureusement – modernisé. Dès les premiers articles, il met la focale justement sur les “menaces” : l’article L. 1111-1 explique le but de la défense, qui n’est plus la guerre au sens strictement militaire, mais “identifier l’ensemble des menaces et des risques susceptibles d’affecter la vie de la Nation, notamment en ce qui concerne la protection de la population, l’intégrité du territoire et la permanence des institutions de la République, et de déterminer les réponses que les pouvoirs publics doivent y apporter”.
Le même article ajoute : “La politique de défense a pour objet d’assurer l’intégrité du territoire et la protection de la population contre les agressions armées. Elle contribue à la lutte contre les autres menaces susceptibles de mettre en cause la sécurité nationale”. Si la Russie attaquait la France, elle ne commencerait probablement pas par une incursion armée, mais par des sabotages, des campagnes de désinformation massive, une destruction de satellites, etc.
L’article L. 1111-2 du même Code permet ainsi aux autorités militaires de prendre des mesures en réponse, parmi lesquelles les réquisitions.
Les réquisitions à des fins militaires existent sans doute depuis que les guerres existent. Elles ont été codifiées une première fois sous la Révolution (lois des 3 août et 10 juillet 1791). Puis il y eut la loi du 3 juillet 1877 relative aux réquisitions militaires, qui permettait aux autorités militaires de réquisitionner chevaux et mulets notamment, pour l’effort de guerre. Face à une menace qui évolue et qui devient toujours plus diffuse, fallait-il en rester à une législation sur les réquisitions de mulets ?
C’est pourquoi, quatrièmement, la loi de programmation militaire adapte le chapitre sur les réquisitions – qui n’avait pas été modernisé et datait pour l’essentiel d’une ordonnance du 6 janvier 1959 – à ces nouvelles menaces, et reprend la terminologie de l’article L. 1111-1, afin de restaurer une cohérence du Code de la défense. Il était logique d’aligner les conditions permettant la réquisition militaire aux buts de la défense affichés dès le premier article du Code de la défense.
Ainsi si le gouvernement venait à utiliser ces textes pour briser une grève en dehors de toute menace sur la sécurité de la Nation, le juge administratif suspendrait aussitôt pour erreur de base légale, comme il l’a fait lorsque des préfets ont interdit des manifestations contre la réforme des retraites à base de casseroles sur le fondement d’une loi… antiterroriste.
L’autorité ne peut pas utiliser les pouvoirs dont la loi l’a dotée dans d’autres buts que ceux pour lesquels ces pouvoirs ont été créés.
En conclusion,
voici un magnifique exemple de ce à quoi ressemble la désinformation juridique, prendre un mot dans un code (la ”menace” dans le Code de la défense) et le transposer aux autres codes, notamment ceux qui régissent l’ordre public.
Heureusement, chaque code répond à un but et l’État de droit permet de ne pas mélanger les genres.
lessurligneurs.eu – bfmtv.com – francetvinfo.fr
Juil 25 2023
Non, il n’y a pas une nouvelle loi qui permettrait à l’État français de réquisitionner tout ce qu’il veut.
Pour les explications, nous vous retranscrivons intégralement un article du site lessurligneurs.eu, utilisé également par francetvinfo.fr :
Des milliers de publication avec des visuels bien souvent différent sont diffusées et partagées sur Facebook, mettent en alerte les Français sur une loi qui auraient été votée en procédure accélérée.
Auteur de l’article explicatif : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Un site d’extrême droite alerte avec le texte ci-dessus sur une ”nouvelle Loi de programmation militaire permettant à l’État de réquisitionner tout ce qu’il veut”.
Il s’agit d’une belle désinformation juridique :
En effet :
À chaque code son but et toute utilisation hors de ce but est illégale.
Lundi 3 juillet 2023, le site medias-presse.info, un site classé à l’extrême droite et comme diffusant des théories du complot par Conspiracy Watch, a publié un article titrant qu’une “nouvelle Loi de programmation militaire permettant à l’État de réquisitionner tout ce qu’il veut” allait être adoptée.
Le même jour et quelques heures après, c’est la plateforme Telegram qui s’y met comme on peut le voir ci-dessous :
A propos de Telegram, selon bfmtv.com :
Le fondateur russe de l’application de messagerie Telegram est Pavel Dourov. Il a la nationalité française depuis peu et a francisé son nom.
En établissant un lien aussi rapide que faux avec les réquisitions récentes de grévistes ordonnées sur la base du Code général des collectivités territoriales par les préfets, un commentateur non avisé (un économiste de formation avec 59 000 abonnés) ajoute sur Twitter :
Il fallait citer entièrement ce tweet pour mesurer le degré de méconnaissance des notions basiques du droit, ou simplement une volonté de désinformer.
Ces affirmations sont fausses.
Il est vrai que le nouvel article en projet mentionne une “menace” justifiant les réquisitions et pas une “guerre” ou une “agression armée”.
D’où la frayeur feinte du commentateur : “menace”, c’est large et flou !
Une grève est-elle une menace ? Les casseroles sont-elles des menaces ? Or, isoler un mot dans un code et faire abstraction de tout le reste de ce code relève de la tromperie juridique : un code est un tout, et chaque mot ou phrase de ce code s’interprète à la lumière du reste.
La ”menace” en question est forcément de type militaire, à cela près que les guerres ne sont plus seulement militaires : elles passent par le cyberespace (paralysie des réseaux), l’espace (destruction de satellites), les mers (destructions de câbles sous-marins et gazoducs), etc. C’est pourquoi le code de la défense n’est plus centré sur les attaques militaires depuis bien longtemps, et envisage tous types de “menaces” toutes aussi dangereuses pour la sécurité de la Nation.
Le Code de la défense est déjà – heureusement – modernisé. Dès les premiers articles, il met la focale justement sur les “menaces” : l’article L. 1111-1 explique le but de la défense, qui n’est plus la guerre au sens strictement militaire, mais “identifier l’ensemble des menaces et des risques susceptibles d’affecter la vie de la Nation, notamment en ce qui concerne la protection de la population, l’intégrité du territoire et la permanence des institutions de la République, et de déterminer les réponses que les pouvoirs publics doivent y apporter”.
Le même article ajoute : “La politique de défense a pour objet d’assurer l’intégrité du territoire et la protection de la population contre les agressions armées. Elle contribue à la lutte contre les autres menaces susceptibles de mettre en cause la sécurité nationale”. Si la Russie attaquait la France, elle ne commencerait probablement pas par une incursion armée, mais par des sabotages, des campagnes de désinformation massive, une destruction de satellites, etc.
L’article L. 1111-2 du même Code permet ainsi aux autorités militaires de prendre des mesures en réponse, parmi lesquelles les réquisitions.
Les réquisitions à des fins militaires existent sans doute depuis que les guerres existent. Elles ont été codifiées une première fois sous la Révolution (lois des 3 août et 10 juillet 1791). Puis il y eut la loi du 3 juillet 1877 relative aux réquisitions militaires, qui permettait aux autorités militaires de réquisitionner chevaux et mulets notamment, pour l’effort de guerre. Face à une menace qui évolue et qui devient toujours plus diffuse, fallait-il en rester à une législation sur les réquisitions de mulets ?
C’est pourquoi, quatrièmement, la loi de programmation militaire adapte le chapitre sur les réquisitions – qui n’avait pas été modernisé et datait pour l’essentiel d’une ordonnance du 6 janvier 1959 – à ces nouvelles menaces, et reprend la terminologie de l’article L. 1111-1, afin de restaurer une cohérence du Code de la défense. Il était logique d’aligner les conditions permettant la réquisition militaire aux buts de la défense affichés dès le premier article du Code de la défense.
Ainsi si le gouvernement venait à utiliser ces textes pour briser une grève en dehors de toute menace sur la sécurité de la Nation, le juge administratif suspendrait aussitôt pour erreur de base légale, comme il l’a fait lorsque des préfets ont interdit des manifestations contre la réforme des retraites à base de casseroles sur le fondement d’une loi… antiterroriste.
Les Surligneurs l’avaient déjà expliqué :
L’autorité ne peut pas utiliser les pouvoirs dont la loi l’a dotée dans d’autres buts que ceux pour lesquels ces pouvoirs ont été créés.
En conclusion,
voici un magnifique exemple de ce à quoi ressemble la désinformation juridique, prendre un mot dans un code (la ”menace” dans le Code de la défense) et le transposer aux autres codes, notamment ceux qui régissent l’ordre public.
Heureusement, chaque code répond à un but et l’État de droit permet de ne pas mélanger les genres.
lessurligneurs.eu – bfmtv.com – francetvinfo.fr
By Team Hoax-Net • Politique/Religieux • • Tags: article 23 requisition, français réquisitionné, interpretation érronée de l'article 23