Mensonges et récupération politique autour de l’Eglise Sainte-Rita

5-HOAX-NET ENTETE

1-STATUT FAUX

Mercredi 3 août 2016 : l’église Sainte-Rita, à Paris, a été évacuée par les forces de l’ordre. Sur les réseaux sociaux les fausses informations circulent. La faute au gouvernement, la fin des églises et la suprématie des mosquées… Quel est le vrai du faux et qui se cache derrière les occupants de Sainte-Rita ?

Voici comment la fachosphère et la cathosphère ont manipulé l’opinion publique pour faire de la récupération politique :

(via Ouest France et Buzzfeed)


Etape 1 : éviter de rappeler le contexte et exagérer la violence

De nombreux internautes ont dénoncé la venue des policiers dans l’église Sainte-Rita qui ont délogé plusieurs personnes se trouvant à l’intérieur. Pour ce faire, ils ont massivement relayé les photos et vidéos des gens se faisant expulser du lieu.

Eglise Sainte Rita - Le patriote 2

En légende, on a ainsi pu lire que «la fermeture de l’église Sainte-Rita est une honte», ou que le gouvernement «envoie les CRS pour aider à détruire l’église (…).

SAUF QUE … L’évacuation a été demandée par une association catholique !
L’association des Chapelles catholiques et apostoliques a en effet signé une promesse de vente en vue d’une réhabilitation immobilière sur le terrain. Les travaux devaient débuter en octobre 2015 mais des fidèles et des militants ont investi les lieux pour empêcher ça. Après plusieurs recours judiciaires, l’association des Chapelles catholiques et apostoliques a alors obtenu par ordonnance du TGI en janvier 2016, leur expulsion.
  • «Dans le cadre de l’exécution de cette décision de justice, le préfet de police a accordé l’autorisation du concours de la force publique à l’huissier requérant afin de l’assister ce jour dans sa mission et remettre ainsi les locaux à l’usage du propriétaire», a indiqué la préfecture de police ce mercredi dans un communiqué.
Eglise sainte rita - Communiqué de presse du 3 août TWITTER
Par ailleurs, le député Frédéric Lefebvre, présent au moment de l’évacuation évoque «une intervention pour le moins brutale qui a interrompu une messe», au micro d’Itélé. Le maire d’Orange, Jacques Bompard va jusqu’à parler d’«exactions» et de «christianophobie» dans une lettre adressée au ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve.

SAUF QUE … selon la préfecture de police, l’évacuation s’est « déroulée sans incident ». Par ailleurs, les moyens utilisés par les CRS sont tout à fait légaux.


Étape 2: Éviter de rappeler qui sont les défenseurs de Sainte-Rita

La plupart des personnes présentes dans l’église n’étaient pas de «simples fidèles». Comme l’avait révélé une enquête de Street Press, ce lieu est squatté depuis octobre par la «crème de l’extrême droite». En plus du mouvement complotiste du «14 juillet» (antisystème et à l’origine d’un coup d’État raté lors de la fête nationale de l’an dernier), on trouve des ex-mégrétistes, les fondateurs du site islamophobe Riposte laïque, des animateurs de Radio Courtoisie, des «soraliens» ou des cathos ultra-conservateurs.

Ce mercredi, le groupe d’extrême droite Action française avait ainsi envoyé des militants (certains cagoulés) à l’intérieur de l’église pour empêcher l’action des policiers. Des jeunes hommes habillés en treillis militaire auraient «déclamé des paroles antisémites toute la nuit avant la messe», affirme un témoin interrogé par Libération.


Étape 3: Relayer des informations erronées

Pas de protection patrimoniale pour l’église

En 2010, la commission du Vieux Paris a jugé l’église comme ceci :

  • «L’architecture néogothique très tardive et sans qualité particulière, spatiale, décorative ou constructive, ne mérite pas de protection patrimoniale.»

Pas un simple parking

«Ce projet verra la construction d’une vingtaine de logements, et selon les règles de la ville de Paris, il y aura un pourcentage de logements sociaux, puis un parking pour les résidents de ces logements, mais pas un énorme parking comme certains ont pu le dire», explique Johann Fourmond.

Pas de messe officielle

Enfin, beaucoup se sont aussi émus de voir des CRS débarquer en pleine messe ce mercredi. Une messe officieuse si l’on en croit la préfecture de police qui indique que ce sont «des occupants sans droit ni titre» qui ont investi les lieux. «L’église n’est pas consacrée ni dédiée au culte depuis la cessation de cette propriété.» L’abbé traditionaliste Guillaume de Tanoüarn y officie pourtant le dimanche après midi…


Étape 4: Rejeter la faute sur le gouvernement

S’il y a bien un mot qui est revenu régulièrement, c’est gouvernement. On ne compte plus les messages d’internautes l’accusant d’avoir osé expulser des fidèles de l’église. Mais contrairement à ce qu’ils laissent entendre, l’évacuation et à terme la démolition de l’édifice, qui n’appartient ni au diocèse ni à la commune, n’est pas imputable au gouvernement. C’est le propriétaire de l’église, l’association des Chapelles Catholiques et Apostoliques qui a demandé sa démolition. La Ville de Paris n’a fait que donner son accord pour la destruction de l’église Sainte-Rita.


Étape 5: Surfer sur l’émotion et l’actualité passée

Certains ont mis en parallèle les images du prêtre se faisant évacuer de force de l’église avec la mort du père Jacques Hammel, égorgé dans une église par des terroristes une semaine auparavant, pour surfer sur l’émotion suscitée par son assassinat.

Des internautes pointent l’indécence de l’opération, alors que « la communauté catholique est en deuil ». Mais pour Monseigneur Dominique Philippe, qui officiait à Sainte-Rita jusqu’en mars 2015, « ils se servent de la mort du Père Hamel, alors qu’il n’y a aucun rapport ». L’opération était d’ailleurs prévue de longue date et les occupants étaient au courant. L’église doit être démolie depuis plus de 2 ans.« 


Étape 6: Prétendre ne pas avoir prévu le «coup médiatique»

L’abbé Jean-François Billot assure que le fait d’attendre les CRS smartphone à la main n’était pas prévu. Et qu’il ne pensait pas que les forces de l’ordre allaient mettre à exécution l’ordre d’expulsion.

SAUF QUE … l’association Sainte-Rita était au courant et semble même avoir organisé trois messes à la hâte pour attirer des soutiens. Sur son compte Facebook en effet, l’association a posté un message mardi soir pour demander de l’aide… pour «empêcher» l’expulsion.

Eglise sainte rita réseaux sociaux

L’appel aux soutiens a été notamment relayé par le sulfureux militant d’extrême droite Alexandre Gabriac ou par l’Action française. Sur Twitter, l’abbé Guillaume de Tanoüarn semble aussi au courant de l’opération décidée par la préfecture de police.

Eglise Sainte Rita - Abbé
Ils savaient qu’ils allaient être expulsés, ils ont tout prévu pour faire parler d’eux, une messe à 6 heures du matin, ce n’est quand même pas ordinaire […]», remarque Monseigneur Dominique Philippe.

Enfin, un religieux traditionaliste, proche de l’Action française, a admis à Libération qu’il «savait qu’ils (les policiers, ndlr) allaient rentrer». «On avait préparé des sacs de gravats pour leur compliquer la tâche.»


Étape 7: Faire des comparaisons plus que douteuses

Sur ce point-là, c’est bien l’Islam qui est en ligne de mire. Des internautes, mais aussi des élus politiques comme Marine Le Pen, ou encore Marion Maréchal-Le Pen, préfèrent s’en prendre aux mosquées […]. Selon elles, le gouvernement « ne fait rien contre les mosquées salafistes ». Ceci est un mensonge de plus de la part des élues FN. En effet, le 1er août, Bernard Cazeneuve avait annoncé qu’« une vingtaine » de mosquées et salles de prière considérées comme radicales avaient été fermées depuis décembre 2015, ajoutant qu’« il y en aura d’autres », de même que des expulsions de prédicateurs extrémistes. Et rappelons une fois encore que l’église, dont l’accord d’évacuation a été demandé par une association catholique, va laisser place à des logements.

Une fois le faux du vrai trié, il ne reste qu’une église vendue par ses propriétaires, privés, et où le culte se pratique illégalement sans lien avec le diocèse. La seule réalité est celle d’une institution, soumise à la crise, qui vend ses églises, parce que délaissées par ses fidèles ou parce que les collectivités ne sont plus en mesure de financer leur entretien. « La bonne volonté des élus, si elle demeure indispensable, ne sera plus suffisante pour garantir la pérennité de notre patrimoine », rapporte l’Observatoire du patrimoine religieux (OPR).

« Le patrimoine régulier catholique subit des assauts redoutables de la part des autorités religieuses elles-mêmes », rappelle l’OPR. Et d’ajouter que c’est « la disparition pure et simple de nombreuses communautés religieuses (qui) conduit à la disparition de nombreux édifices, détruits ou vendus à des promoteurs ».

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