Non, cette carte de la France ne montre pas que des endroits où des églises ont été incendiées

Les églises françaises seraient les cibles d’un acharnement sans pareil. Alors qu’un important incendie s’est déclenché dans la nuit de dimanche à lundi au sein de l’église de l’Immaculée-Conception, dans un faubourg de Saint-Omer, les vidéos des flammes ravageant cette paroisse du XIXe siècle sont rapidement devenues virales.

  • Suffisamment pour susciter la consternation de certains internautes qui accusent les responsables publics de vouloir « faire disparaître le christianisme ».
  • « Voici la carte des églises qui ont subi un incendie depuis cinq ans », s’est par exemple insurgé Jean-Frédéric Poisson ce 2 septembre sur X (ex-Twitter) et ce, illustration à l’appui :

Il faut souligner qu’en 2013, Jean-Frédéric Poisson est élu président du Parti chrétien-démocrate, fondé par Christine Boutin et qui été renommé « Via, la voie du peuple » en 2020. Il est un proche de l’Extrême-Droite, voyageant entre Eric Zemmour et plus récemment vers Florian Philippot. Il est par exemple opposé au regroupement familial pour les immigrés ainsi qu’au droit du sol. En tant que monarchiste, il souhaite faire inscrire « les racines chrétiennes de la France » dans la Constitution. Il estime que l’Islam est incompatible avec la République française et la laïcité. Cette publication sur son compte X n’a donc rien d’étonnant, et tout comme le fait régulièrement l’Extrême-Droite, il recycle des fausses informations vieilles de plusieurs années.

Cette image de l’Hexagone, qui cumule plus de 200 000 vues sur le seul compte de l’ancien maire de Rambouillet, est bien une capture d’écran authentique.

Problème :

chacune des épingles rouges ne symbolise pas une église réduite en cendres.

Produite par « l’Observatoire de la christianophobie », un site dirigé par Guillaume de Thieulloy et Daniel Hamiche, deux militants catholiques conservateurs, la carte – interactive à la base – était censée répertorier l’ensemble des actes considérés comme « christianophobes » en France. Régulièrement mise à jour de 2016 à 2018 et accessible jusqu’en septembre 2022, elle n’existe plus dans sa forme originelle aujourd’hui, le collectif ne proposant désormais qu’un recensement région par région.

Au-delà des incendies, les faits compilés sur cette carte et grâce à des articles de presse vont ainsi du vol dans un presbytère au vandalisme sur une statuette en passant par diverses agressions. On y trouve aussi de simples accidents, comme une croix de béton retrouvée brisée en deux le 5 août dernier à Monistrol-sur-Loire. Pour l’heure, la police municipale privilégie la thèse d’un choc dû à un engin agricole.

Pas de quoi parler d’un acte « christianophobe » à ce stade.

En fait, cette carte est trompeuse car elle rassemble tous les faits s’étant déroulés dans un rayon proche d’une église ou d’un lieu religieux. Faits qui vont d’un incendie accidentel à un simple accident routier.

Toujours selon Tf1.fr, Un autre visuel (ci-dessous) , relayé par un militant Reconquête, est apparu simultanément en ligne le 2 septembre.

Une carte de France avec des centaines de points gris supposés représenter les « attentats » contre des églises depuis 2020, selon le compte qui la partage.

Là encore, cette infographie, publiée dans sa version originale par le média chrétien La Croix le 13 mai 2016, n’a rien à voir avec de quelconques incendies ou actes de vandalisme.

Comme le précise son titre, clairement lisible par ailleurs sur la capture partagée par les internautes, il s’agit des lieux de culte « menacés ou détruits » à cause de leur vétusté depuis l’année 2000.

 

Ce n’est pas la première fois que cette carte devient virale. Elle a en réalité fait son apparition en 2019, après l’incendie de Notre-Dame de Paris. À l’époque, plusieurs blogs ultra-conservateurs et des sites d’extrême droite souhaitaient présenter le drame qui avait frappé la cathédrale parisienne comme s’inscrivant dans un mouvement plus large d’anéantissement de la religion chrétienne. Depuis, elle ressurgit régulièrement, presque systématiquement, quand un drame frappe un lieu de culte de cette religion.

Plusieurs sites de fact-checking (vérificateurs de l’info) ont analysé les publications en rapport avec la carte censée nous montrer les endroits où des églises ont été brûlées en France, ici sur Reuters, ici sur Afp.com, et ici sur France24.

Tf1.fr – ReutersAfp.comFrance24.com