Déc 13 2023

Non, il ne s’agit pas d’une vidéo montrant la souffrance des femmes sous des effets de l’oppression islamique.

Une de nos lectrices, via notre page Facebook, nous a fait part de l’existence de cette vidéo virale qui, dans la plupart des publications ne comporte soit aucune désignation, soit en contient une mais qui s’avère être erronée, ce qui d’une manière ou d’une autre induit le lecteur en erreur et laisse par conséquent la part belle à une débauche de commentaires tous plus controversés les uns que les autres.

Il faut toujours faire attention lorsqu’on partage une publication, dans ce cas précis la vidéo étant bien réelle, ça n’empêche pas qu’elle soit parfois accompagnée d’une désignation qui soit erronée, ce qui indubitablement fausse la publication et la rend donc dans la définitive trompeuse.

Dans ce cas précis qui nous a été rapporté par notre lectrice, la désignation est définie telle quelle :

Bien que l’oppression islamique sur les femmes a bien lieu dans de nombreux pays musulmans, ce n’est pourtant clairement pas ce que montre en réalité cette vidéo.

La vidéo courte a été captée par nos soins (ci-dessus) au cas où celle-ci viendrait à être supprimée par son auteur ou même encore par la modération d’une des plateformes où celle-ci est publiée.

Omniprésente principalement à la fois sur X (ex twitter), Facebook et Instagram, la vidéo montre un groupe de femmes intégralement voilées, s’aspergeant de ce qui semble être du sable comme le soulignent certains commentaires.

Après un nombre conséquent de recherches inversées effectuées à partir de différentes captures que nous avons pu extraire de cette vidéo, ainsi que par le re-croisement de divers résultats que nous avons pu obtenir des différents moteurs de recherche que nous avons interrogé, nous pouvons sans aucun doute affirmer qu’il ne s’agit pas ici d’une vidéo montrant le résultat d’une quelconque oppression sur ces femmes.

La réalité est tout autre puisqu’il s’agit ici d’un extrait filmé d’un rituel commémoratif des femmes chiites pendant l’Achoura qui est un évènement religieux musulman qui s’étale sur plusieurs jours et qui débute le 10^e jour de mouharram, mouharram étant le premier mois de l’année dans le calendrier musulman.

Pour les sunnites,

Mahomet pratiquait le jeûne le jour d’Achoura. Depuis l’introduction du jeûne du ramadan, ce jeûne est devenu superflu et l’événement est aujourd’hui l’occasion d’un jour de jeûne purificateur et qui expie les péchés d’une année dans le monde musulman.

Pour les chiites,

Le jour d’Achoura est le jour de la commémoration du massacre de l’imam Hussein (fils d’Ali ibn Abi Talib et de Fatima Zahra) et de 72 membres de sa famille et partisans par le califat omeyyade lors de la bataille de Kerbala en 680. L’événement débute le 10^e jour du mois de mouharram (calendrier hégirien) et le deuil se poursuit pendant 40 jours jusqu’à l’Arbaïn.

Bien que la fête d’Achoura est extrêmement suivie en Iran et dans plusieurs autres pays musulmans, c’est bien historiquement en Irak que se déroule le pèlerinage principal.

La date ci-dessous est celle du défilé de l’Âchoura.

Signalons aussi que cette commémoration suivie par plus de 2 millions de musulmans, que ce soit pour les hommes ou pour les femmes, n’est nullement imposée et/ou obligatoire.

La vidéo courte que l’on voit dans les publications sur les réseaux sociaux est extraite de cette même vidéo publiée sur YouTube le 1er aout 2023 par l’utilisateur Irakien Sadiq Al-Ramahi qui ne publie d’ailleurs que des vidéos qui concernent cette commémoration et qui la situe dans cet extrait à Gammas :

Gammas étant localisé à Al-Qadisiyya en Irak :

Selon le média Irakien : almerja-com

Ce que nous voyons sur la vidéo publiée sur les réseaux sociaux est donc le rituel des tribus irakiennes dirigées par les femmes de la tribu des Baní Asad qui concluent la procession commémorant l’inhumation des saints cadavres des martyrs d’At-Taf.

Le fait de se projeter de la terre sur la tête s’apparente donc à une représentation historique des femmes qui à l’époque de cette tragédie avaient enterré les corps du cadavre de l’Imam, de sa famille et de ses compagnons restés sans linceul et sans sépulture dans la plaine chaude de Karbala pendant trois jours.

Quelques photos de 2023 à Karbala :

La vidéo montrant ce rituel commémoratif a également été publiée sur YouTube par le photographe irakien Muhannad Al-Waeli, ce dernier désignant lui aussi les femmes de la tribu des Baní Asad.

Enfin, si en 2017 et en 2023, cette reconstitution a eu lieu sur les terres d’origine de Karbala .

En 2021, elle a eu lieu dans la ville de Nasiriyah dans le sud de l’Irak :

Cette vidéo ne montre pas des femmes qui auraient subi une quelconque oppression Islamique et qui de ce fait s’exprimeraient d’une bien drôle de manière, mais est en réalité une forme théâtrale commémorant le martyre de l’imam Hussein (tragédie de Karbala / deuil de Mouharram) càd une reconstitution historique que l’on nomme Ta’zieh et qui est un des divers rituels étant actés (mis en scène) lors de la commémoration d’Achoura en Irak.
Le rituel que l’on voit sur la vidéo est celui des femmes de la tribu des Baní Asad.
Cette commémoration religieuse musulmane n’est imposée ni aux hommes, ni aux femmes.