NON, la molécule RU 58 668 ne guérit pas le cancer du sein

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Cette vidéo est extraite du documentaire Le profit ou la vie, produit par ARTE France en juin 2003. L’homme se nomme Patrick VAN DE VELDE, chercheur pour le laboratoire « Roussel-Uclaf ». Il nous explique avoir passé quatre années à travailler sur des recherches autour de cette molécule :

« Je voudrais simplement vous expliquer un petit peu comment on a mené à bien cette expérience. En fait, c’est extrêmement simple : il suffit de prendre de la tumeur mammaire humaine que l’on implante chez la souris.

Au bout de trois mois, chez les animaux témoins, on avait ces tumeurs-là, voyez, neuf tumeurs qui viennent de neuf souris – ça remplit entièrement mon flacon. Ça c’était les témoins qui ne recevaient aucun traitement.

Ou alors on traitait avec notre produit, le RU 58668 : je pense qu’à la caméra on voit rien, parce que les tumeurs sont ici, voyez, dans le fond, elles sont 8 à 10 fois plus petites qu’au début du traitement.

Ce produit-là, on l’a arrêté simplement parce que, derrière, y a des gens du marketing qu’ont dit “oui, mais voyez, 600 millions de chiffres d’affaires, c’est pas suffisant. Donc on arrête. »


Découverte en 1992, la molécule baptisée « RU 58 668 » paraît être une bonne candidate pour traiter les cancers du sein. Seulement, après quatre ans de travaux, les laboratoires abandonnent le projet. Le débat semble alors faire rage entre la communauté scientifique et médias ou autres mouvements sociaux indépendants. Le secrétaire d’Etat à la santé et à la sécurité sociale intervient (27/06/1996) :

« Le cours normal de la recherche pharmaceutique est de travailler sur un grand nombre de molécules en fonction de cibles thérapeutiques pour finalement, après plusieurs années de recherche et développement, aboutir parfois à un médicament, tandis que la plupart des produits sont abandonnés en cours de recherche. Dans ce cas particulier, il revient à l’entreprise de déterminer les suites à donner et les investissements à conduire sur la molécule RU 58668 ».


Les tests sur la molécule RU 58 668 n’étant qu’aux aurores, serions-nous passés à côté d’un traitement miraculeux ? Le Nouvel Obs, que l’on peut remercier pour leur excellent article sur le sujet, a posé la question directement à Patrick VAN DE VELDE et ses anciens collègues de travail :

Patrick Van de Velde, par mail  :

«  J’ai quitté l’entreprise depuis 10 ans. Le produit a été arrêté il y a plus de 12 ans et je n’en ai plus jamais entendu parler ; le brevet est maintenant dans le domaine public mais comme aucune étude tox chez l’homme n’a été entreprise, à ma connaissance, il est hautement improbable qu’une entreprise pharmaceutique ait l’envie de se lancer dans des études de développement. Je n’aurai malheureusement pas d’information complémentaire à vous fournir et j’en suis désolé.  »

François Nique, collègue de Patrick Van de Velde et responsable du projet à l’époque (…), raconte ensuite :

« Après l’arrêt des recherches sur le RU 58668 par Aventis, le brevet couvrant ce produit a été transféré à une spin-off du groupe (société indépendante créée par le laboratoire pour se délester de certaines activités), créée en 2002 et principalement dédiée aux maladies osseuses.

Quelques recherches complémentaires ont néanmoins été entreprises par une CRO sur le RU 58668, en particulier une étude pharmacologique sur le modèle de tumeurs mammaires induites par le DMBA (DiMéthylBenzAnthracène) chez le rat. C’est un modèle classique pour les antiœstrogènes dans lequel le RU 58668 n’a pas montré d’effet significatif.

Par le jeu des fusions/acquisitions, la spin-off a changé de domaine d’activité et j’ai personnellement cessé toute activité professionnelle en 2009. »

Un autre ancien collègue confirme  :

« Plusieurs modèles n’ont pas été concluants, et on a constaté de grosses différences de métabolisation de la molécule chez les animaux. Ça semble donc un peu dangereux de tenter une étude de tox chez l’homme, ce n’est pas rien, souvenez-vous de ce qui s’est passé à Rennes.

Cette molécule est aujourd’hui dans le domaine public, on peut la développer sans payer de brevet. Personne ne le fait, il y a donc a une raison. S’il y avait de l’argent à prendre, des gens tenteraient le coup. Si j’étais le haut PDG d’un laboratoire, on me donnerait la molécule, je n’en ferais rien. »


Conclusion :

Depuis 1996, l’abandon d’une molécule que certains jugeaient prometteuse fut un affront social. Malgré les débats, cet événement laissera une marque scandaleuse sur l’industrie pharmaceutique en général. Des recherches complémentaires seront néanmoins faites et confirmeront que l’attrait de la molécule avait été isolé aux cas des souris. Ne pouvant envisager des tests sur l’être humain avant des résultats beaucoup plus favorables auprès des rongeurs, le brevet de la molécule tombera dans le domaine public, et aujourd’hui personne n’en veux, même gratuitement. Donc, en 2003, le documentaire « Le profit ou la vie » est diffusé, puis largement repris et partagé avec la montée d’Internet, abreuvant les moulins des parties extrémistes. Les sources étant relativement vieilles, il est donc plus difficile de remonter l’histoire de ce qu’il s’est réellement passé. C’est ce qu’on peut appeler un « marronnier », un sujet à sensation qu’on ressort du placard pour appuyer/conforter un article, ou simplement par manque de nouvelles fraîches.

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Sources : Le nouvel ObservateurSénat.fr


Autre(s) source(s) :