Non, une ampoule ne s’allume pas grâce au graphène d’une serviette hygiénique.

De nombreux internautes partagent une vidéo censée démontrer que certaines serviettes hygiéniques qui contiendraient une bandelette de graphène, permettent d’allumer une ampoule électrique de 7w grâce à un simple frottement entre les deux.

L’homme qui apparait sur cette vidéo recommence ensuite l’expérience après avoir trempé la soi-disant bandelette de graphène dans un verre, en montrant que l’ampoule s’allume quelques secondes, il ajoute :

  • « Quand la bandelette est mouillée, l’ampoule s’éclaire. Donc le graphène s’active clairement quand la bandelette est mouillée. C’est puissant, très puissant ».

On retrouve la source originale sur YouTube publiée le 18 octobre 2020 par « Reign Sanitary Napkins » sous le titre « Reign Graphene Lightbulb Demonstration », qui a inspirée l’auteur de la publication sur les réseaux sociaux.

Cependant, interrogé par l’Afp.com, Melika Hinaje, professeur d’université en génie électrique à l’université de Lorraine et membre du laboratoire Groupe de recherche en énergie électrique de Nancy (Green) estime que:

  • « La vidéo n’a aucune valeur probante, on ne sait pas quel type d’ampoule est utilisé et on n’y voit pas grand chose à part un flash de lumière à un moment »

Quant à Emmanuel Flahaut, directeur de recherche au CNRS spécialiste du graphène il abonde que

  • « La vidéo ne contient aucune preuve permettant d’affirmer que la bandelette [montrée par le vidéaste] contient du graphène, « un matériau d’épaisseur monoatomique formé par l’arrangement d’atomes de carbone sous la forme d’un réseau hexagonal, à la manière d’un nid d’abeille

A supposer que la vidéo montre bien une bandelette de graphène, ce dernier

  • « est incapable de générer de l’énergie par lui-même »,

comme l’explique à l’AFP Vincent Bouchiat, directeur de recherche au CNRS en disponibilité et fondateur de Grapheal, une startup consacrée à l’application médicale de ce nanomatériau.

« Il faut qu’il y ait une action de transfert d’énergie, soit par un stress mécanique, soit par le contact avec l’eau, qui circule sur le graphène et génère une tension électrique », poursuit le spécialiste.

Bien que le vidéaste trempe la bandelette dans un contenu liquide avant que l’ampoule ne s’allume, le passage qui suit trahit une probable manipulation, selon Bilal Amghar, enseignant-chercheur et responsable du laboratoire d’électricité au sein de l’Ecole spéciale des travaux publics, du bâtiment et de l’Industrie (ESTP) :

« Le fait que l’ampoule reste allumée est impossible : pour que ce soit le cas, il faut que l’électricité reste stockée. »

« Si l’ampoule restait allumée seulement une fraction de seconde après une décharge, selon le même principe qu’une règle qu’on aurait frottée et qui permet d’attirer des petits bouts de papier sans contact, ce serait éventuellement possible mais ce n’est pas le cas ici. La personne utilise vraisemblablement une ampoule à LED avec une petite batterie ou une pile rechargeable », analyse Bilal Amghar.

Ce type d’ampoule en vente sur Internet et doté d’une autonomie de plusieurs heures peut en effet s’éclairer lorsque le plot et le culot sont connectés via les doigts, comme on peut le voir sur la vidéo de démonstration ci-dessous.

L’ANSES, indique ne pas avoir « eu connaissance, dans ce cadre, de la présence de graphène dans les produits de protection intime, via la recherche bibliographique et les auditions réalisées. »

L’Anses rappelle :

« qu’en France et Europe, les tampons, serviettes hygiéniques, protège-slips et coupes menstruelles ne relèvent d’aucune réglementation spécifique que ce soit pour leur composition, leur fabrication ou leur utilisation« .

Ils restent cependant soumis à la directive de sécurité générale des produits 2001/95/CE, qui implique

« une mise sur le marché de produits sûrs pour une utilisation prévue et raisonnable pour le consommateur ». 

Si les serviettes hygiéniques en France ne comporte pas de graphène, on peut les trouver facilement sous d’autres marques étrangères et sur l’e-commerce approuvées par la norme CE.

Exemple la marque « Nice days » et sa gamme de produit contenant du graphène dont il est question dans notre démonstration trompeuse, il s’avère que cette dernière est Chinoise et qu’elle a elle également lancé cette gamme en 2019.

Enfin, comme le souligne Vincent Bouchiat, à l’Afp.com

  • « il y a une confusion autour du graphène car il existe sous différentes formes : il peut être en poudre, ou bien être utilisé comme une couche fine semblable à un vernis. Certaines propriétés du graphène sont liées à sa forme, elle lui confère des qualités et des défauts ».

Pour Erik Dujardin, chercheur au Centre d’élaboration de matériaux et d’études structurales du CNRS,

« le graphite, qui est un empilement de feuillets de graphène, est un très bon absorbant de graisses et de gaz mais pas de liquides donc il ne va pas absorber les règles. »

« Le gel à base de polymère contenu dans certaines serviettes hygiéniques comme dans les couches le fait beaucoup mieux« , estime le spécialiste, tout en soulignant qu’aujourd’hui, quelle que soit la technique utilisée, la production du graphène reste très coûteuse.« 

Un avis partagé par Vincent Bouchiat, pour qui ce type de serviette mise sur des propriétés du graphène « plus liées à l’hygiène », à l’instar « de sous-vêtements pour hommes à base de graphène récemment testés en Chine » :

« Si les parties absorbantes de la serviette sont chargées en graphène, elles vont peut-être moins sentir ou générer moins de microbes et éviter la macération« . 

Afp.comyoutube.com/ReignSanitaryNapkinsyoutube/LED Light Bulb

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