Non, la douleur liée à l’accouchement ne peut pas se mesurer en unités, ni en « os brisés ».

Bien que la photo soit une illustration, c’est elle qui a d’abord attiré notre attention, ainsi que le fait que la publication avait été partagée des milliers de fois sur Facebook depuis depuis le 26 avril 2022, l’affirmation disait ceci :

« le corps humain ne peut supporter que 45 unités de douleur », mais au moment de l’accouchement, une femme atteint « 57 unités de douleur », ce qui équivaudrait à « briser 20 os à la fois »

Selon l’afp.com (résumé) :

En réalité, si l’accouchement est souvent associé à une douleur ressentie très intense, la douleur ne peut pas se mesurer en « unités » ni être comparée en terme de nombre d’os cassés, ont expliqué à l’afp.com plusieurs médecins, qui rappellent que la douleur est subjective.

L’AFP a interrogé plusieurs gynécologues-obstétriciens et anesthésistes à propos de ce texte.

  • Si tous reconnaissent que la douleur liée à un accouchement est l’une des plus importantes qui existent, ils rappellent également que celle-ci est subjective, dépend de multiples facteurs et ne se mesure pas en unités arbitraires.
  • « Il est fantaisiste de parler ‘d’unités de douleur' », a déclaré à l’AFP Dominique Truan, gynécologue-obstétricienne à l’Université du Chili, dans l’article de vérification en espagnol susmentionné. « La douleur est trop subjective, trop personnelle, trop contextuelle », souligne-t-elle.
  • « La douleur est extrêmement subjective. Elle dépend de notre perception du corps, de notre capacité à endurer. L’état psychologique joue énormément – ça interfère dans énormément de domaines », estime également Philippe Goffard, chef de clinique adjoint au service d’anesthésie-réanimation du CHU Saint-Pierre, interrogé par l’AFP le 27 juin 2022., Il rappelle toutefois que « la douleur de l’accouchement rentre dans la catégorie des douleurs les plus intenses« 
  • Le concept d »unités de douleur » ne provient pas non plus d’un domaine médical autre que l’obstétrique, a expliqué Luis Miguel Torres, président de la Société espagnole multidisciplinaire de la douleur : ce terme « n’existe ni dans le domaine clinique ni dans celui de la recherche », « il s’agit de l’invention de quelqu’un, qui n’a aucun fondement, aucune base scientifique ».
  • Bien qu’elle ne puisse pas être mesurée en unités, la douleur de l’accouchement « est une douleur considérée en médecine comme ‘élevée’, un peu comme un calcul rénal très intense », a ajouté Dominique Truan.
  • Luis Miguel Torres a également comparé la douleur liée à l’accouchement à celle ressentie par un patient souffrant de calculs rénaux, néphrétiques ou biliaires, tout en rappelant que la douleur de l’accouchement reste « très spécifique en raison de ses caractéristiques et de sa durée ». « Vous ne pouvez l’expliquer à personne. Il est difficile de la comparer à tout autre type de douleur« , a-t-il ajouté.
  • Ce que l’on ressent lors d’un accouchement « dépend aussi de l’accompagnement et de la préparation avant l’accouchement, surtout s’il n’y a pas d’analgésie« , a ajouté Mario Sebastiani, obstétricien à l’Hôpital Italien de Buenos Aires, interrogé par l’AFP.

Les spécialistes interrogés ont tous confirmé ne pas savoir à quoi correspondent les chiffres évoqués dans les publications que nous vérifions. Mais cela ne signifie pas que les médecins n’évaluent pas la douleur des patientes au moment de leur accouchement.

  • « L’intérêt de l’évaluation de la douleur, c’est de l’objectiver afin de pouvoir adopter un traitement adéquat. En fonction du seuil de douleur, qui peut être différent pour chaque personne, on donne le meilleur traitement possible », a expliqué Philippe Goffard.  « Certaines patientes supportent très bien l’accouchement sans analgésie et sans péridurale, tandis que d’autres ont besoin dès le départ d’une aide médicale », a-t-il ajouté.

« Nous, et surtout les anesthésistes, pouvons mesurer la douleur pendant le travail et l’accouchement. Nous avons l’habitude d’employer une échelle de 1 à 10« , a expliqué à l’AFP le 27 juin 2022 Pierre Bernard, président du Collège royal des gynécologues-obstétriciens de langue française de Belgique (CRGOLFB).

« Au-delà de la comparaison farfelue entre des chiffres absurdes, avec un nombre d’os brisés, il reste que la douleur liée à l’accouchement est une des plus importantes ayant été recensée et que c’est le rôle et le devoir des professionnels de soins périnataux – gynéco-obstétricie(ne)s, sages-femmes – avec la collaboration des anesthésistes, de proposer et de rendre disponibles les moyens nécessaires pour lutter contre ces douleurs, parmi lesquels se retrouve évidemment la péridurale », a conclu Pierre Bernard.

ARTICLE INTÉGRAL DE L’AFP.com ICI

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