NON, l’huile de cannabis n’est pas un remède plus efficace que la chimiothérapie.

La lutte contre le cancer est à ce jour au cœur de la vie de très nombreux chercheurs, et ce depuis plusieurs décennies. Mais si des progrès évidents sont à saluer, il ne faut pas pour autant se leurrer : il est très peu probable qu’un remède universel contre le cancer soit un jour découvert. D’abord parce que quand on parle de cancer, on parle en réalité de nombreuses pathologies qui, malgré un fond commun, sont souvent très différentes les unes des autres du fait de leurs causes, de leurs évolutions, du patient lui-même. Il n’existera donc certainement jamais de traitement miracle efficace contre tous les cancers et sur tous les malades.

C’est pour cette raison que de multiples traitements se sont développés à travers le monde, et parmi eux la chimiothérapie. Cette dernière consiste en l’administration de médicaments agissant sur les cellules cancéreuses en les détruisant ou en entravant leur multiplication. Car c’est ce qu’est une tumeur maligne : un amas de cellules dont le mécanisme de régulation est inhibé, du fait par exemple de la dégradation de l’ADN. Une fois ce mécanisme rendu inopérant, les cellules concernées prolifèrent et peuvent comprimer des organes vitaux, voire migrer et proliférer dans plusieurs zones de l’organisme.

Une des principales caractéristiques des cellules cancéreuses est donc le caractère incontrôlable de leur division, ainsi que sa rapidité. Pour lutter contre leur prolifération, on a ainsi recours à des molécules diverses agissant sur les cellules à développement rapide. Hélas, outre les cellules cancéreuses, d’autres présentes dans notre organisme se développent rapidement. C’est notamment le cas des cellules de la moelle osseuse, des cheveux, de la peau, et de la paroi du tube digestif. C’est cette capacité à bloquer le développement de ces cellules saines, en plus de celui des cellules cancéreuses, qui est à l’origine des effets secondaires les plus fréquents : perte des cheveux, vomissements, anémie, etc… Ces effets s’estompent cependant après l’arrêt du traitement.

Mais qu’en est-il de l’efficacité de l’huile de cannabis sur les cancers ? L’image ci-dessus indique que la substance « soigne » littéralement. Nous serions donc face à un effet curatif, probablement sur tout type de cancer, couplé à une absence d’effets secondaires. Reprenons ces allégations point par point.

L’huile de cannabis contient des substances appelées cannabinoïdes. Parmi elles, le tétrahydrocannabinol (THC) et le cannabidiol (CBD) font l’objet de multiples recherches scientifiques. Le Cancer Research UK, centre de recherche britannique sur le cancer, publiait sur son site internet le 25 juillet 2012 un article très complet sur les cannabinoïdes. L’article s’organisait autour de plusieurs thématiques essentielles afin de comprendre ce qu’étaient ces molécules, et quels rôles elles pouvaient jouer dans le cas d’un traitement.

A la question : Les cannabinoïdes peuvent-ils traiter le cancer ?, l’organisme répond :

Il ne fait aucun doute que les cannabinoïdes, naturels ou synthétiques, sont des molécules très intéressantes. Des centaines de scientifiques dans le monde étudient leurs effets sur le cancer et sur d’autres pathologies, tout comme les dommages qu’ils peuvent causer. Les premières recherches sur les propriétés anticancéreuses des cannabinoïdes datent des années 1970, et des centaines d’articles scientifiques ont été publiés depuis. […] Mais clamer que le corpus des recherches précliniques est une preuve solide que le cannabis, ou les cannabinoïdes, peuvent traiter le cancer est très trompeur vis-à-vis des patients et de leur famille, et dessine une fausse image des progrès réalisés dans ce domaine.

De même en 2015, une méta-analyse fut publiée, rassemblant près de 80 essais comparant l’efficacité de placébos et de cannabinoïdes sur les effets secondaires induits par la chimiothérapie. Si, de manière générale, les cannabinoïdes étaient associés à une diminution de ces effets indésirables chez plus de patients qu’avec les placébos, la méta-analyse concluait néanmoins que ces résultats n’étaient statistiquement pas significatifs. Elle relevait également divers effets secondaires à court terme avec les cannabinoïdes, dont les plus courants étaient : étourdissements, bouche sèche, nausée, fatigue, somnolence, désorientation, confusion, perte d’équilibre, hallucination. Nous sommes donc loin d’une absence d’effets secondaires.

En définitive, la grande majorité des recherches publiées sur le sujet des cannabinoïdes dans le traitement des cancers concerne des études précliniques, à savoir qu’elles ont été réalisées sur des cellules cancéreuses in-vitro et sur des animaux en laboratoire. Leurs résultats ne sont donc pas extrapolables aux êtres humains. A l’heure actuelle, dans les pays où ces substances sont autorisées, les cannabinoïdes ne sont pas employés pour traiter les cancers, mais en accompagnement des traitements conventionnels, dont chimiothérapie, pour atténuer les effets indésirables de ceux-ci. Les résultats d’une telle association étant variables selon les patients, les recherches devront se poursuivre afin de déterminer si oui ou non les cannabinoïdes auront un rôle à jouer dans la lutte contre le cancer. Mais aujourd’hui, il est trompeur et dangereux de faire croire aux patients et plus généralement à la population, que ces substances sont miraculeuses et leurs sont refusées pour d’obscures raisons. En matière de santé, il est important de ne pas se fier aux conseils de sites non spécialisés ou aux affirmations partagées sur les réseaux sociaux, mais plutôt à la recherche scientifique et aux professionnels de la santé.

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Sources : Cancer Research UK – Institut National du Cancer – JAMA Network – National Cancer InstituteAgence Science Presse.