Non, un test rapide effectué sur un kiwi, sur du cola ou une compote n’est pas fiable.

Depuis le début de cette épidémie, tout est bon pour publier tout et n’importe quoi, que ce soit certains médecins qui ne sont pas qualifiés dans le domaine, ou qu’il s’agisse d’internautes promus scientifiques avérés. Cela déstabilise certains lecteurs qui, pour beaucoup, croient tout ce qui se publie sur les réseaux sociaux.
Ainsi, on n’a jamais vu autant de publications ou de vidéos des uns et des autres et en toutes langues (voir notre article) sur Facebook et Twitter, entre autres …

Ici, nous verrons une étrange expérience avec des tests Covid-19 rapides sur un kiwi  (la vidéo italienne recoupée) et même sur du Coca-Cola avec « open.online« .

Le 23 décembre 2020, la chaîne Youtube du réalisateur de film italien Massimo Mazzucco, «luogocomune2» ou «Contro.tv», publie une vidéo intitulée «Anche il kiwi prende il Covid» (littéralement « même le kiwi attrape la Covid »). Celle-ci présente une expérience menée par le Dr. Mariano Amici et le professeur Stefano Scoglio. Ces derniers prétendent démontrer le manque de fiabilité des tests antigéniques.

VERSION INTÉGRALE :

L’expérience concerne les tests antigéniques, dits « rapides », qu’il ne faut pas confondre avec les tests PCR moléculaires standards.

L’introduction du réalisateur italien  Massimo Mazzucco dit ceci :

  • Bonsoir. Aujourd’hui, nous présentons une expérience concernant la fiabilité des tests rapides. Les tests rapides sont ces tests que vous voyez régulièrement à la télévision, où un écouvillon, inséré dans la cavité nasale, prélève un peu de mucus, puis est mis dans un réactif qui signale si la personne a le virus de la Covid-19. C’est un test rapide qui prend environ 15 minutes pour donner le résultat. Il a été utilisé massivement pendant la soi-disant deuxième vague, avec plus de 100 000 tests effectués dans toute l’Italie en une seule journée. Ce sont les résultats de ces tests de masse … avec des chiffres impressionnants, souvenez-vous de l’actualité des derniers mois. « Aujourd’hui 12 000 nouveaux cas », « Aujourd’hui 20 000 nouveaux cas » etc etc … ces tests ont révélé la rapide propagation de l’infection dans notre pays et ont donc permis de prendre les contre-mesures appropriées.

Toujours dans l’introduction de la vidéo, on voit les images d’une personne, assise à l’intérieur de sa voiture, pour laquelle on prélève un échantillon de mucus au moyen d’un écouvillon de gorge. 

Le problème est qu’avec cette vidéo, Mazzucco affirme que les tests rapides ont remplacé les tests PCR, ce qui n’est pas le cas. Ceux-ci viennent seulement s’ajouter aux différentes possibilités de se faire tester.

Dans sa vidéo, Mazzucco évoque également un test réalisé avec du Coca-Cola par un député autrichien.

En observant attentivement la vidéo, nous pouvons voir l’emballage du produit « Joysbio » utilisé:

Or ce produit, comme l’indique le fabricant lui-même, ne convient que pour un test qualitatif et une orientation diagnostique, son résultat doit toujours être mis en parallèle avec les symptômes cliniques du patient. Par exemple, chez un patient symptomatique, un résultat négatif pourra être traité comme suspect par le médecin et confirmé par un test PCR dans un second temps.

Par ailleurs, les conditions suivantes sont définies dans les mêmes instructions :

  • « Le contenu de ce kit doit être utilisé uniquement pour la détection qualitative des antigènes du SRAS-CoV-2 à partir d’échantillons nasaux sur écouvillon. »
  • « Cet appareil n’a été évalué que pour une utilisation avec du matériel de test humain.« 

Dans la vidéo suivante, l’écouvillon récupère une partie du jus contenu à l’intérieur d’un kiwi, substance qui sera ensuite soumise au test rapide.

Cela va évidemment à l’encontre des instructions du fabricant du test, puisque celui-ci doit être effectué exclusivement avec des échantillons humains.

La substance, une fois préparée selon les instructions du test, aurait donné un résultat positif à la Covid-19 selon les protagonistes de la vidéo.

La façon de lire le test est spécifiquement expliquée sur le site Web de Joysbio. Pour qu’il soit considéré comme positif, la coloration de la ligne de test (T) et de la ligne de contrôle (C) doit être obtenue, sinon elle serait «négative» ou «invalide» :

  • NÉGATIF: Une bande colorée apparaît sur la ligne de contrôle (ligne C); aucune bande colorée n’apparaît sur la ligne de test (ligne T). Un résultat négatif indique qu’il n’y a pas d’antigène de coronavirus (protéine N) dans l’échantillon, ou que le niveau d’antigène de coronavirus est inférieur à la limite de détection.
  • POSITIF: Une bande colorée apparaît sur la ligne de contrôle (ligne C), une deuxième bande colorée apparaît sur la ligne de test (ligne T). Un résultat positif indique la présence de l’antigène COVID-19 (protéine N) dans l’échantillon du patient.
  • INVALIDE: Aucune bande colorée n’apparaît sur la ligne de contrôle (ligne C). Un résultat de test non valide suggère qu’il y a peut-être un volume de tampon insuffisant ou des procédures d’exploitation incorrectes. Examinez attentivement la procédure de test et testez à nouveau le même patient avec une autre cassette de test rapide d’antigène coronavirus. Contactez votre distributeur si le problème persiste.

Le test réalisé sur le kiwi ne montre clairement que la ligne de contrôle, alors que la ligne de test est à peine visible. Selon les protagonistes de la vidéo, la légère coloration confirmerait la positivité du test.

Voici le résultat obtenu par les trois protagonistes de la vidéo:

  • les kiwis, les oranges et les baies seraient considérés comme « certains positifs »;
  • la banane, le raisin, la mandarine seraient « incertains »;
  • Poire, citrouille, chou et jus de fruits « négatifs ».

Nous devons donc considérer certains problèmes liés au test effectué par les protagonistes de la vidéo :

  • Outre le fait que le produit a été conçu pour obtenir des résultats à partir de matériel prélevé sur l’homme et non sur des fruits ou légumes, les éléments contenus dans ces derniers pourraient affecter le résultat du test, non pas parce qu’ils sont positifs pour la Covid-19, mais à cause des réactions chimiques dues à ces derniers, qui peuvent déclencher la coloration des barres présentes dans le produit.
  • « Les conditions du test, notamment l’acidité, sont cruciales pour parvenir à un résultat valable ». En outre, ces tests « sont fabriqués uniquement pour tester un prélèvement pour lequel ils ont été évalués ».
  • « Le test a été mis au point pour permettre la fixation d’un anticorps aux antigènes, et non pour subir des réactions à certains aliments », explique de son côté Thomas Decker, professeur d’immunobiologie à l’université de Vienne.

Ainsi dans le cas de la démonstration du député autrichien Michael Schnedlitz, la boisson Coca-Cola a donné un résultat positif pour les mêmes raisons.

Les protagonistes de la vidéo partagée et soutenue par Massimo Mazzucco ne sont pas les premiers à parler de tests effectués avec des sources non humaines. En mai 2020, le président tanzanien avait propagé la nouvelle d’un test réalisé avec de la papaye et une chèvre, obtenant des résultats positifs pour la Covid-19, sans toutefois fournir aucune preuve

Une autre vidéo (ci-dessous) a circulé sur Facebook (que l’on ne peut plus voir que sur YouTube), datant du 10 Décembre 2020, soit 10 jours avant la vidéo italienne sur le kiwi.

On y voit une personne avec des gants bleus « tester » une compote, le test antigénique révèle que cette fameuse compote de pommes est bel et bien… positive à la maladie.

La société MEDsan a à son tout souhaité réaliser ses propres tests, indique l’AFP Factuel sur son site.

  • « MEDsan a également effectué ses propres tests pour tenter de reproduire ce résultat. Deux employés, dont les tests PCR se sont révélés négatifs, ont testé un désinfectant à base d’alcool, de la confiture de fraise, du nettoyant pour vitre, des pommes et du jus de pomme. Le résultat montre un résultat positif pour le désinfectant et un faible résultat positif pour la confiture de fraise. »

Conclusions

Les tests rapides sur des aliments ou animaux ne sont pas valables car :

  1. La fiabilité des tests n’a été étudiée que pour une utilisation sur des prélèvements naso-pharyngés humains. Les expériences contraires aux spécifications des tests antigéniques ne peuvent en aucun cas donner des résultats fiables.
  2. Les éléments contenus dans des produits tels que les fruits et légumes peuvent contenir des substances chimiques ou un pH qui peuvent modifient le résultat des tests.

open.onlineen.joysbio.com – AFP Factuel – ouest-france.fr